Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

http://galerie-martine-gossieaux.com/site/chaval/

http://galerie-martine-gossieaux.com/site/chaval/

Après la FOAD (Formation Ouverte et à Distance), après la FEST (Formation en Situation de Travail), laissez-moi vous présenter la FOMHO (Formation en Milieu Hostile). Très fréquente en formation de formateurs sur l’introduction du numérique ou la digitalisation, la FOMHO se caractérise par une conjugaison d’éléments qui, indépendamment les uns des autres ne présentent pas de caractère de gravité mais, qui,  sous l’effet cumulatif, peuvent contribuer à vous rendre la vie impossible. 

Le premier élément est lié aux participants eux-mêmes, dont certains peuvent être rétifs au numérique. Formateurs de métier, ils connaissent bien les rouages de la formation, et notamment de l’effet de groupe, et ils interviennent dès les premières minutes pour montrer combien, d’emblée, ils ont raison d'être hostile à toutes formes de technologies. Les arguments semblent alors imparables : abêtissement des élèves, manque de discernement lié à la profusion des informations, perte du gout de l’effort, augmentation du nombre de fautes d’orthographe, disparition de la créativité (on n’écrit plus !), distraction des élèves qui passent leurs temps à regarder leurs smartphones en classe, et plus grave encore : perte de lien social, cyber harcèlement, vol d’identité et j’en passe. Fort heureusement, il y a toujours dans le groupe une ou deux personnes, parfois plus, qui, finalement, trouvent plus intéressant de laisser le portable sur la table plutôt qu’en dessous, qui autorisent et qui promeuvent les recherches des élèves sur Internet, qui ont des anecdotes intéressantes à partager sur l’usage des outils comme Learning Apps, qui pratiquent, sans trop le dire, la classe inversée, qui communiquent via les réseaux avec leurs élèves en dehors de la classe. Le formateur en FOMHO aura alors tout intérêt à s’appuyer sur ceux-là, à les faire s’exprimer, raconter leurs expériences et proposer à la suite quelques tests en grandeur nature ; singulièrement, ceux-là même qui, par exemple, vilipendaient l’abêtissement de la formation par la gamification seront les premiers à vouloir être les premiers lorsque vous proposerez un Kahoot ! Le formateur en FOMHO pourra aussi faire remarquer, avec toute la diplomatie dont il est capable, que les participants utilisent aussi leurs smartphones ou leurs ordinateurs pendant qu’il parle sans que cela nuise, semble-t-il, à leur concentration.

Le second élément est lié au cadre de la formation : j’ai par exemple le souvenir récent d’une formation sur le numérique dans un centre dépourvu d’ordinateurs et de vidéoprojecteurs dans les salles, et ne parlons pas bien sûr de TBI, et où les smartphones étaient proscrits de l’établissement par un règlement intérieur inflexible, porté par une Direction droite dans ses bottes. C’est finalement un peu comme si on vous demandait d’apprendre à conduire aux habitants de l’ile de Molène ! Dans ce cas, une seule solution : explorer avec les participants les leviers de changement possibles dans leurs établissements (en excluant les voies de fait), supputez avec discrétion sur les modifications structurelles de contexte qui laissent augurer des changements inéluctables, et proposez des solutions alternatives ; avec l’application Plickers par exemple, on n’utilise que le smartphone de l’enseignant. Que dire aussi des ordinateurs outrageusement bridés par des DSI paranoïaques, des ordinateurs sans claviers, des logiciels mal configurés, des salles plein sud non occultées, des vidéoprojecteurs de guingois ou sans le son… de tous ces petits riens qui font qu’aujourd’hui le formateur en FOMHO aura tout intérêt à se rendre dans les salles de formation au moins deux heures à l’avance pour tout régler, pour trouver le technicien compétent ou a minima l’âme charitable qui l’aidera dans sa quête de perfection.

J’ai aussi le souvenir d’une salle sans wifi et sans ordinateur, et dans laquelle j’avais en outre prévu de faire des sous-groupes (annoncé à l’avance dans mon programme), mais qui était si exiguë que je devais sortir par une porte et rentrer par une autre pour faire le tour de la table (véridique !) Dans ce cas-là, une solution s'impose : respirez un grand coup, et explorez les richesses insoupçonnées du centre. Appropriez-vous sans vergogne les parties communes, les salles de pause, les espaces extérieurs (s’il fait beau), faites sortir la formation des murs, après tout on apprend mieux en bougeant, dit-on !

Enfin, le contexte social n’est pas toujours aidant : si la réforme actuelle de la formation et celle de l’alternance augurent de beaux jours pour la formation numériquement assistée, il est toujours difficile pour un formateur en FOMHO de lutter contre les annonces martiales et tonitruantes d’un Ministre de l’Éducation Nationale qui bannit les portables du collège, ou contre les thèses farfelues mais surmédiatisées d’un docteur Ducanda montrant le lien entre écran et trouble autistique. Appeler à la rescousse un Michel Serres, un Serge Tisseron, un Bernard Pivot, un Edgar Morin, voire les pédagogues ultra modernes comme Montessori ou Freinet peut être un palliatif utile mais pas toujours suffisant. Reprenez alors ces thèses une par une, démontrez le caractère fiable ou non des arguments, contrebalancez les études avec d’autres études montrant des résultats inverses, bref faites preuve de pédagogie et de diplomatie.

Mais bon, rassurez-vous, dans la plupart des cas, les formations sur le numérique se passent bien : il est derrière nous le temps où il fallait convaincre, l’heure est plutôt à la prise de conscience que le numérique, in fine, renforce le rôle du formateur, et même l’enrichit, plutôt qu'il ne le supplante et gageons que la FOMHO ne sera plus bientôt qu’un lointain souvenir…

Tag(s) : #Humeur
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :